Destiné à un usage loisir ou professionnel, les devices mobiles connectés (smartphones, tablettes) connaissent un succès considérable dans l’ensemble des pays développés et, de manière moins généralisée, dans les pays en développement alors qu’ils pourraient être utilisés pour améliorer la vie sur des sujets plus essentiels comme la santé. En effet, souffrant d’un accès difficile aux examens médicaux spécialisés, de nombreux habitants d’Afrique subsaharienne ne parviennent pas à se soigner. En cause ? Le très faible nombre de médecins spécialistes et leur concentration dans les grandes villes, impliquant, pour les patients, de longs délais d’attente ainsi que des trajets difficiles et coûteux pour chaque consultation. Pour contourner cette difficulté, plusieurs innovations mobiles ont vu le jour et notamment deux projets, en voie de généralisation, portant respectivement sur l’ophtalmologie et la cardiologie.
L’ « eye phone » : un kit simple et facilement adaptable sur la plupart des smartphones
Le Dr Bastawrous, de l’Université de Médecine Tropicale de Londres a mis au point fin 2011, avec son équipe et la société Golden Gekko, un kit baptisé PEEK (Portable Eye Examination Kit) qui permet de réaliser en mobilité, et donc dans les zones isolées, tous les examens ophtalmologiques ordinaires.
Ce kit est composé de plusieurs applications mobiles Android, d’un zoom (de type objectif photo) fixable sur la plupart des smartphones disposant d’un capteur photo et d’un mini panneau solaire pour recharger la batterie du téléphone. Ce dispositif permet de procéder à des tests de vision mais aussi à des examens médicaux approfondis (cornée, rétine..) grâce à l’éclairage du flash LED.
Une innovation facilitant les examens ophtalmologiques à domicile
Cet « eye phone », permet à des infirmiers de réaliser des examens ophtalmologiques dans des centres locaux ou au domicile des patients. Le dossier médical du patient, ses résultats d’examens, et les coordonnées GPS du lieu d’examen sont ensuite envoyés par e-mail (via le smartphone) aux ophtalmologistes qui établissent leur diagnostic et transmettent leurs consignes de traitement.
Des résultats très prometteurs
Ce dispositif est simple d’utilisation, peu coûteux (environ 350€) et surtout totalement mobile. Une expérimentation est en cours au Kenya, pays de 40 millions d’habitants ne comptant que 90 ophtalmologistes dont 50% exercent à Nairobi. Le test a lieu dans la région de Nakuru depuis 2012, a permis d’examiner plus de 5 000 personnes (donnant lieu à plus de 1 000 traitements et 200 opérations chirurgicales), et les résultats obtenus avec l’« eye phone » sont jugés très concluants en comparaison avec un matériel ophtalmologique classique.
Le Cardio Pad : trois examens cardiologiques réalisables en mobilité
La seconde initiative a été développée en 2011 par un ingénieur camerounais, Mr Zang, et repose sur une tablette tactile baptisée Cardio Pad permettant de disposer d’un tensiomètre numérique, d’un radioscope et d’un électrocardiographe. Cette tablette a été conçue et assemblée par Himore Medical (micro-entreprise fondée par Mr Zang), en utilisant des composants chinois, et vise à permettre des consultations de cardiologie à distance pour les patients habitant loin de Yaoundé ou Douala, les deux villes principales du Cameroun, où se concentrent la trentaine de cardiologues du pays.
Ni très élégante, ni très légère cette tablette est néanmoins très utile : le kit (fourni aux hôpitaux des régions isolées) comprend une tablette connectable aux réseaux téléphoniques via une carte SIM, des électrodes et un boitier amplifiant les pulsations et les transmettant (par Bluetooth) à la tablette sous forme de signal. Pour permettre des consultations dans les zones ne disposant pas de l’électricité, la tablette dispose de plus de 7 heures d’autonomie.
Les données sont enregistrées dans le dossier médical du patient puis transmises à un serveur de l’hôpital général de Yaoundé (par GSM/GPRS) qui les enregistre et les communique à un cardiologue sur son Cardio Pad. Le médecin peut alors analyser les résultats, établir son diagnostic (avec l’aide d’un outil intégré à la tablette) et communiquer, en retour, ses conclusions et le traitement adéquat.
Des perspectives intéressantes à l’échelle du Cameroun et du continent africain mais pas seulement
Plus de 30 kits ont pour l’instant été développés, grâce à des aides financières de l’État camerounais, et bénéficient à des hôpitaux isolés qui ont pu l’acquérir pour environ 2200€ (soit 50% du prix d’un électrocardiographe). Ce dispositif affiche une fiabilité de 98% (par rapport aux résultats obtenus lors d’examens à l’hôpital) et a permis à plusieurs milliers de Camerounais de bénéficier d’une détection et d’un suivi de leurs pathologies cardiaques. De nombreux autres pays, notamment africains, se sont montrés intéressés par ce dispositif.
En conclusion ces technologies, qui seront progressivement optimisées et étendues à de nouveaux domaines de la médecine, permettront de détecter et traiter de plus en plus de patients dans les pays en développement, même si elles ne résolvent pas le problème de l’accès (matériel et financier) aux traitements. Il est également possible d’envisager une déclinaison de tels dispositifs dans les pays développés, pour pallier l’isolement de publics à risque (personnes âgées par exemple) et la désertification médicale de certains territoires.
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