En réponse à la nécessité d’aider les industries culturelles dans leur transition vers le tout numérique, Pierre Lescure a remis en mai 2013 un rapport dont l’une des mesures phare est d’instaurer une taxe sur les ventes d’appareils connectés (ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs connectés, etc.).
Des mécanismes de financement de la création culturelle à remettre à l’heure des usages numériques
Jusqu’à présent, l’un des principaux instruments de financement de la création culturelle était la Rémunération pour la Copie privée (RCP) : la copie privée d’une œuvre culturelle était autorisée moyennant le reversement à l’auteur d’une « compensation équitable ».
La consommation des contenus culturels numériques a pourtant vu ses pratiques évoluer : l’acte de copie ne serait aujourd’hui plus le critère pertinent pour asseoir un mécanisme compensateur, à l’heure où se dessine l’ère de l’accès. En effet, les consommateurs sont prêts à dépenser des sommes relativement élevées pour acquérir des terminaux connectés, mais plus réfractaires à l’idée de payer l’accès offert par ces terminaux, à une richesse de contenus culturels.
Ces pratiques engendrent un transfert de la valeur, au détriment des créateurs et des producteurs de contenus, et au bénéfice des acteurs numériques parmi lesquels figurent les fabricants et distributeurs de terminaux.
Une taxe modérée mettant à contribution les fabricants et importateurs d’appareils connectés…
Ce projet de taxe aurait ainsi vocation à prendre le relais de la RCP par la redistribution de la valeur entre les industries culturelles et les fabricants de supports technologiques, en s’appliquant :
- aux terminaux dotés d’une connexion Internet et permettant de lire des fichiers contenant du texte, du son, de l’image ou de la vidéo ;
- à un taux modéré voire faible (probablement d’environ 1%) ;
- sur une assiette large.
D’après une évaluation mentionnée dans le rapport Lescure et réalisée sur la base de données 2012, l’application de cette taxe génèrerait environ 8,6 milliards d’euros répartis sur plus de 30 millions de terminaux vendus.
… mais qui reçoit un accueil mitigé
Contrairement aux principales organisations patronales représentatives de la presse écrite qui ont montré leur soutien à l’instauration de cette taxe, un sondage mené les 11 et 12 juillet 2013 indique que seuls 23,5% des Français y semblent favorables. (Sondage réalisé par Toluna Quicksurveys pour Économie Matin, via internet en France, auprès d’un échantillon de 100 personnes âgées de 18 ans et plus.)
Pourquoi une telle divergence ?
En tant que principale intéressée, la presse écrite estime que « les producteurs de contenus contribuent à la valeur perçue des équipements technologiques. Il relève ainsi d’un enjeu de politique publique que d’instaurer des mécanismes de compensation du transfert de valeur. »
C’est pourquoi d’un côté, cette mesure a le mérite de vouloir faire participer des acteurs qui jouissent de ce transfert de valeur mais qui ont été historiquement peu sollicités pour contribuer au financement de la création culturelle :
- Depuis les années 80, les distributeurs de biens culturels (salles de cinéma, chaînes de télévision et de radios, fournisseurs d’accès internet) reversaient un pourcentage de leurs recettes pour financer et encourager la création d’œuvres.
- En février 2013, les éditeurs de presse avaient obtenu de Google le financement d’un fonds doté de 60 millions d’euros pour encourager la transition numérique des médias papier.
Et de l’autre côté, on peut imaginer que l’absence de visibilité en matière de répercussions d’une telle taxe sur le portefeuille des utilisateurs finaux peut expliquer leur absence de soutien vis-à-vis de cette taxe à ce jour.
Interview sur BFMTV de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, au sujet du projet de taxe sur les appareils connectés