Entre les méga-commandes passées auprès d’Airbus et Boeing par Lion Air et Ryanair ou encore l’arrivée en France de Google Flight Search, le nouveau comparateur de billets en ligne signé par le géant de Mountain View, l’actualité aéronautique est riche. Le moment est donc bien choisi pour essayer d’analyser l’évolution des modèles de distribution dans le monde de l’aérien.
Un modèle historique s’articulant autour d’intermédiaires coûteux
L’année dernière, The Economist rappelait de façon un peu caustique que « les compagnies aériennes sont de formidables générateurs de profits…pour tout le monde sauf elles-mêmes ». En ligne de mire, les aéroports, avionneurs, prestataires de maintenance bien sûr, mais surtout les intermédiaires de la distribution que sont les GDS (Global Distribution Services), tels Amadeus, Galileo ou encore Sabre, qui servent de relais entre les compagnies aériennes et les agences de voyages. En 2012, les compagnies aériennes ont reversé 7 Milliards de dollars aux GDS, plus du double de leur bénéfice net qui s’élevait à 3 Milliards de dollars.
Le plus ironique est que ces mastodontes que sont devenus les GDS ont été créés par les compagnies elles-mêmes (Amadeus par Air France, KLM, Iberia – Sabre par American Airlines) puis revendus lors de la montée en puissance du e-commerce dans les années 2000. Internet devait permettre de rapprocher les compagnies des passagers en supprimant les intermédiaires. Pourquoi alors s’encombrer de ces sociétés ?
Or si les compagnies low-cost ont effectivement pris le tournant numérique avec panache en ciblant une distribution directe à 100% via leurs sites Internet, ce modèle n’est pas directement applicable aux compagnies historiques, qui ne visent pas la même clientèle. En effet, les passagers des compagnies low-cost sont majoritairement une clientèle loisir (même si ce point est en train d’évoluer avec la crise économique). Les GDS dominent toujours, quant à eux, le marché du voyage d’affaire tout en étant les principaux intermédiaires des grands sites internet de comparaison de vols (les OTA – Online Travel Agencies).
À ce jour, environ 50% des billets d’avions émis le sont via l’intermédiaire de ces GDS. Les compagnies pouvant difficilement se passer de ce réseau international de distribution interconnectent donc leurs systèmes de réservation aux grands GDS, payant jusqu’à 10$ par réservation de droits d’utilisation du système.
Les services auxiliaires : un enjeu majeur pour les compagnies
Avec la généralisation des comparateurs de vols sur le marché de l’aérien grand public, et la mainmise des GDS sur le marché du voyage d’affaire, le billet d’avion est en train de passer du statut de produit exclusif de la compagnie à une commodité. Les compagnies traditionnelles tentent donc d’en faire un produit d’appel pour vendre de nouveaux services aux passagers et ainsi générer des revenus additionnels. Ce sont les services auxiliaires, ou ancillary services, que les compagnies ne comptent pas partager avec les agences traditionnelles ou en ligne.
Le cabinet IdeaWorks Company a analysé ce phénomène et donne quelques chiffres pour 2012 : les repas à bord, suppléments bagages, assurances annulation et autres services payants ont généré pas moins de 5 Milliards de dollars de revenus supplémentaires pour la compagnie United Continental. Ces revenus représentent également près de 20% du chiffre d’affaires de Ryanair et Easyjet, et jusqu’à 33% la low-cost américaine « Spirit Airlines ».
Les alternatives : la distribution directe et le « direct connect »
Les compagnies glissent doucement vers un métier d’agrégateur permettant d’offrir un produit packagé complet au client incluant vols, services à bords, hôtels, voitures… Elles souhaitent rester maître de la distribution, de la présentation des résultats de recherche aux clients et ne veulent plus laisser une part du gâteau à des acteurs tiers.
Elles cherchent ainsi à privilégier et inciter la vente directe via leur site internet afin de plonger le client dans l’univers de ses services, créer une relation de long terme avec lui, le fidéliser en ciblant des offres spéciales contextualisées comme peut le faire un Amazon.
Cependant, les comparateurs de vols ou les agences de voyage en ligne restent incontournables, pour la clientèle business, mais également, via les agences, pour la clientèle loisir. Un rapport du cabinet « Atmosphere Research » indique qu’en 2012, un voyageur lambda consulte 22 sites internet avant d’effectuer sa réservation.
Pour ne pas passer à côté d’un potentiel client tout en évitant les frais des GDS, les grandes compagnies développent alors les connexions directes entre les grands sites comparateurs et leur système de réservation.
À ce titre on comprend mieux pourquoi Google et son nouveau produit GFS (Google Flight Search) représente une réelle menace pour les agences en ligne et les GDS. Que le leader incontournable de la recherche en ligne prenne position dans la recherche des vols, avec ses algorithmes puissants, son interface épurée, sa position dominante sur le marché, et surtout un modèle économique certainement en rupture (on peut imaginer un modèle basé sur les revenus publicitaires) a de quoi effrayer les acteurs traditionnels et historiques du marché… surtout quand on constate que les OTA (Online Travel Agencies) ne sont pas indexées dans les résultats de GFS.
2 thoughts on “Le modèle de distribution indirecte dans l’aérien a-t-il du plomb dans l’aile ?”