« Nous avons terminé 2012 sur un trimestre fort », s’est réjoui Larry Page, le directeur général de Google, à l’occasion de la publication des résultats annuels du groupe le mardi 22 janvier 2013. Pour la première fois, le géant du Web voit son chiffre d’affaires dépasser le cap des 50 milliards de dollars (cf. graphique ci dessous). « Pas si mal en seulement une décennie et demie » s’est félicité le patron de Google. Néanmoins, parmi les rares ombres au tableau, Motorola Mobility, le fabricant de téléphones mobiles, dont Google a bouclé l’acquisition en mai 2012, a encore accusé une perte d’exploitation conséquente. De plus, lors de la conférence financière, les dirigeants de Google se sont montrés relativement prudents sur leurs projets futurs avec Motorola. Google sera-t-il capable de rentabiliser son investissement ? La diversification de Google dans le matériel est-elle condamnée à l’échec ?
Google n’a jamais été aussi riche
En 2012, le chiffre d’affaires du géant du Web a progressé de 32%, tandis que le bénéfice net a affiché une croissance de 10% (dépassant les 10 milliards). Tout aussi impressionnant, à la fin de l’exercice 2012, Google comptabilisait 48 milliards de réserves de cash, soit quasiment l’équivalent de ses revenus annuels, un véritable trésor de guerre lui laissant le champ libre pour réaliser des acquisitions stratégiques et continuer son développement organique.
Ces excellents résultats, supérieurs aux attentes de la plupart des observateurs, émanent du cœur de métier de Google, la publicité, qui a représenté 87% de ses revenus en 2012, soit plus de 43,6 milliards de dollars.
Surfant notamment sur la puissance de sa plateforme YouTube, Google écrase littéralement le secteur de la publicité en ligne en concentrant plus de 41% des parts de marché, très loin devant ses rivaux. Yahoo se situant en dessous de 10%, suivi de Microsoft et Facebook juste au-dessus de la barre des 5% selon les statistiques du site E-Marketer.
Durant le quatrième trimestre, Google a gagné 12 milliards de dollars grâce à ses annonces (+19%). «Des entreprises de toutes tailles continuent de passer à la publicité en ligne, tandis que les plus gros annonceurs augmentent leurs investissements», a souligné Nikesh Arora, directeur des activités.
D’autant plus impressionnant, que Google comme ses concurrents, doivent faire face à un défi de taille : la baisse du coût par clic (modèle publicitaire reposant sur la facturation d’un espace publicitaire en fonction du nombre de clics des internautes sur la publicité).
Cette tendance est due au déclin du marché du PC combiné à l’explosion de l’internet mobile. En effet, si l’audience mobile croît de manière régulière, elle demeure pour le moment difficile à monétiser. Le coût par clic, payé à Google par les annonceurs, a ainsi baissé de 6% au quatrième trimestre. Sur ce point, Larry Page s’est néanmoins montré optimiste. «Je crois que le coût par clic sur ces appareils va s’améliorer (…) Notre activité mobile va particulièrement bien et Android connaît une croissance phénoménale», a-t-il indiqué.
Pourquoi Google a racheté Motorola ?
Avec le rachat de Motorola pour 12,5 milliards de dollars, Google désirait justement montrer que le groupe était en mesure de prospérer autrement que par la publicité. Pourquoi Google avait-il procédé à ce rachat qui avait alors pu sembler très cher pour une entreprise aussi déficitaire ?
- Google lorgnait d’abord sur le catalogue de 17 000 brevets de Motorola, en vue du développement d’Android, alors que de nombreuses batailles juridiques s’engageaient dans le monde entre les géants des nouvelles technologies.
- Le choix de Google s’inscrivait également dans un souci de diversification pour faire face à la forte cyclicité du marché publicitaire.
- Enfin, Google souhaitait s’inspirer du modèle d’intégration d’Apple afin de dégager sur du matériel des marges aussi impressionnantes que la firme de Cupertino en utilisant Motorola comme fer de lance pour Android. L’idée était de relancer une marque ayant connu son heure de gloire en 2004 avec le modèle ultrafin Razr.
La perspective d’un «Googorola» a néanmoins immédiatement soulevé des doutes. En premier lieu, ce choix stratégique semblait susceptible de désécuriser des partenaires utilisant Android tels que Samsung, LG et HTC. Si le géant du Web a connu des succès importants cet hiver grâce aux smartphones Nexus 4 et aux tablettes Nexus 7 et 10, ces appareils sont en effet conçus avec des partenaires.
En outre, ce choix semblait en contradiction avec la stratégie de Google d’apparaître comme un acteur plus ouvert qu’Apple caractérisé par un écosystème plus fermé.
Une acquisition qui tarde à porter ses fruits
De fait, depuis son rachat, Motorola n’a fait que plomber les résultats de sa maison mère. Au quatrième trimestre 2012, la filiale a encore accusé une perte d’exploitation de 353 millions de dollars (pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard). Les ventes de terminaux Motorola ont reculé de 15 % dans un quatrième trimestre traditionnellement plus fort.
La perte a toutefois été réduite par rapport à celle de 527 millions de dollars publiée pour le troisième trimestre. Le directeur financier du géant du Web, Patrick Pichette, a en outre assuré lors de la publication, que Google n’était « pas là pour perdre de l’argent avec Motorola ».
Google a déjà entrepris la restructuration de sa nouvelle filiale, dont il a annoncé l’été dernier la suppression de 20% des effectifs, soit 4 000 emplois. Il a aussi élagué dans ses activités, notamment avec la cession annoncée en décembre des activités de décodeurs et modems. Cette opération de 2,35 milliards de dollars doit être bouclée en 2013.
Toutefois, mauvaise nouvelle pour ceux qui attendent un retour en force rapide de Motorola, les dirigeants de Google ont estimé lors de la conférence financière, que l’élaboration des futurs produits conçus conjointement par les équipes des deux entreprises ne faisait que débuter. Larry Page a ainsi déclaré que « nous ne sommes réellement que dans les premiers jours de Motorola depuis son acquisition par Google » tandis que Patrick Pichette a souligné que Google n’était vraiment dans le business que depuis 180 jours tout en répétant que 12 à 18 mois seront réellement nécessaires entre les premiers dessins d’un produit et sa commercialisation.
«X Phone», le smartphone Motorola estampillé Google ?
En dépit de ces annonces prudentes de la part des patrons de Google, de nombreuses rumeurs inondent le Web sur des projets de smartphone Motorola à la sauce Google.
De plus, selon des sources internes citées par le très sérieux Wall Street Journal, le premier téléphone Motorola conçu sous l’ère Google, baptisé «X Phone», devrait rivaliser avec l’iPhone d’Apple et les Galaxy S de Samsung. Sa présentation serait prévue lors de la conférence développeurs de Google, en mai 2013, et précéderait le lancement d’une «X Tablet».
Cet « X Phone » pourrait être doté des attributs qu’a pointés Larry Page lors de la conférence financière à savoir un téléphone dont on ne doit plus se soucier de l’autonomie ou de le laisser tomber par terre. « Tout devrait être bien plus simple et bien plus rapide. Il y a un potentiel réel d’inventer de nouvelles et de meilleurs expériences ».
Larry Page a conclu la présentation des résultats d’une phrase qui résume bien l’état d’esprit actuel de Google: « La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le construire ».
2 thoughts on “Motorola, épine dans le pied du géant Google ?”