Depuis plus de 30 ans, la monnaie est dématérialisée et ne représente plus que des chiffres inscrits sur un compte bancaire, sans plus aucun lien avec le réel. Parallèlement, de nouvelles monnaies émergent avec des formes et des caractéristiques très différentes.
On assiste depuis peu à la création de nouvelles monnaies partout dans le monde. Ces monnaies dites « complémentaires » prennent la forme de monnaies virtuelles ou de monnaies physiques utilisées uniquement par un groupe restreint d’individu ou avec un objectif bien particulier. Par exemple, le système des tickets restaurant peut être associé à une monnaie complémentaire car elle permet d’acheter des biens, mais dans un champ limité au secteur de la restauration.
Un certain nombre d’innovations monétaires basées sur les réseaux sociaux et les mobiles
La réussite de Safari Com, l’opérateur mobile n°1 au Kenya, en est un bon exemple avec son service d’échange de crédit M-Pesa. On pense également au dollar Linden, la monnaie virtuelle de Second Life (convertible en dollar), permettant d’acheter des accessoires virtuels. Dès lors, plusieurs réseaux sociaux ont créé leur propre monnaie : les twollars de Twitter ou encore les crédits Facebook. Autre exemple de monnaie créée à partir du support informatique, les Bitcoins : monnaie virtuelle générée par chaque ordinateur appartenant à la communauté et permettant une transaction anonyme entre les membres.
Le développement des monnaies complémentaires, l’aboutissement d’initiatives sociales
Les monnaies complémentaires sont des monnaies artificielles co-existantes avec une monnaie nationale. On en dénombre plus de 5000 dans le monde avec plus ou moins succès. On peut expliquer cet engouement suite aux multiples crises financières engendrant des pertes de confiance dans le système monétaire. Les monnaies complémentaires sont fondées par un réseau d’individus, d’où le caractère local, qui permet un regain de confiance : pas de spéculation ni de fuite possible dans ces conditions. D’autres monnaies sont apparues suite à des échanges immatériels comme par des systèmes d’éducation ou des systèmes d’aide à la personne.
Nombre de monnaies complémentaires. Source : Bernard Lietaer
En France, les résultats des Systèmes d’Échanges Locaux sont timides, mais ailleurs on constate de véritables succès. Le WIR par exemple, est une monnaie complémentaire Suisse utilisée par un réseau de plus de 50 000 entreprises. Il permet de faciliter les échanges inter-entreprises en particulier quand le franc suisse est en difficulté. Un autre exemple est celui du Time dollar, basé sur un échange de temps entre particuliers (1h de service contre 1h d’un autre service).
Des applications commerciales : la relation client
À ces initiatives sociales on peut y ajouter les applications commerciales de ces 30 dernières années avec les programmes de fidélisations accrus (points, bonus, systèmes d’échanges, etc.). Que ce soit les « miles » des compagnies aériennes ou les « s’miles » regroupant plusieurs entreprises (BHV, Casino, Monoprix, etc.), ces crédits sont devenus des classiques de la relation client. Un constat est qu’on passe de plus en plus d’initiatives intra-entreprises à des projets inter-entreprises sur les monnaies commerciales.
Les monnaies commerciales répondent aux mêmes règles que les monnaies complémentaires et ces deux pratiques peuvent se compléter et s’alimenter réciproquement. Connaître l’une c’est regarder la tendance de l’autre. Par exemple, les Crédits Facebook sont pour le moment restreints aux jeux, mais ce n’est qu’une première étape. Aux États-Unis, les Crédits Facebook permettent de voter pour les candidats de jeux télévisés, mais aussi de payer pour télécharger les films de la Warner. L’ambition du réseau social est d’en faire la monnaie d’échange de tout ce qui sera acquis par téléchargement : ebooks, musiques, films, articles, billetterie. On peut imaginer ce que pourrait devenir l’usage de Facebook en regardant le réseau de Hub Culture. Cette communauté crée en 2003 regroupe plus de 25 000 professionnels et dont les services se paient avec une monnaie virtuelle, le VEN (monnaie flottante calculée à partir d’un panier de devises). Ce réseau, qui se dit le « premier site à fusionner un environnement à la fois virtuel et physique » permet d’échanger via le VEN, aussi bien des connaissances (contacts, informations, etc.) que des biens (produits de beauté, voyages, etc…).
Certes, aujourd’hui les monnaies complémentaires sont marginales, mais à terme, c’est une fraction considérable du commerce en ligne qui peut être concernée, avec des répercutions sociales sur notre rapport à l’argent et aux échanges, comme le montre notamment le dossier de Jean Michel Cornu sur les monnaies complémentaire.
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