Joindre l’utile à l’agréable, concilier performance et divertissement, telle est la vocation de la Gamification. Ce concept, qui désigne le transfert des mécaniques du jeu dans des domaines où elles ne sont pas nativement présentes (RSE par exemple), a le vent en poupe, et c’est peu dire. Articles, conférences, salons s’y référant se multiplient, pour le grand plaisir des « gamers », des « funologistes »… et des éditeurs.
Côté business, le cabinet Gartner prévoit qu’à l’horizon 2015, plus de 50% des entreprises gérant des processus d’innovation les auront gamifiés. Un concept à la mode, donc, mais une tendance de fond, aussi.
Objectifs affichés ? Accroître l’implication des collaborateurs, développer les usages, stimuler l’innovation. Objectifs remplis ? Visiblement.
Les premières success stories de la Gamification
Outre-Manche, afin de décentraliser le processus d’innovation et tirer profit des idées de ses 120 000 collaborateurs répartis dans le pays, le Département du Travail et des Retraites (Departement for Work and Pensions) a lancé Idea Street, une plateforme sociale gamifiée, reposant sur un social score, des leader boards et un buzz index. 18 mois plus tard, Idea Street regroupe 4 500 utilisateurs, a généré 1 400 idées, parmi lesquelles 63 ont été implémentées.
Outre-Atlantique, la société LiveOps, fournisseur de plateformes call-center dans le cloud, s’est quant à elle inspirée de la solution Bunchball Nitro et son système de badges afin d’accroître la performance de ses 20 000 employés et contractuels. Cette stratégie de gamification mise en place sur le portail My Work Community, consacré à la gestion de la relation client et à l’assistance technique, a été une véritable réussite : certains vendeurs ont augmenté leur chiffre d’affaires de 12% et réduit la durée de leurs appels de 15% depuis son implémentation.
En France, enfin, afin de faciliter l’intégration de ses nouveaux collaborateurs, Bouygues Immobilier les plonge dans un Serious Game en présentiel, Galeo City. Fortement inspiré du jeu de construction Sim City, Galeo City est une ville en construction, où les équipes Bouygues, projetées dans la peau d’un chef de projet, doivent apporter collectivement le maximum de satisfaction client, tout en répondant aux contraintes du métier (respect des échéances, prises de risque, rentabilité, etc.). D’après les organisateurs, ce format permettrait une meilleure assimilation des informations grâce à un contenu totalement intégré au jeu, un sentiment fort d’appartenance au groupe et une implication plus importante des collaborateurs. Leurs retours sont d’ailleurs extrêmement positifs : « la note qu’ils attribuent à la session d’intégration, qui plafonnait à 7 sur 10, est désormais de 9 sur 10 » observe Jean-François Schoonheere, directeur du développement des ressources humaines de Bouygues Immobilier.
Les clés d’une Gamification réussie
D’après Brian Burke, vice-président de Gartner, un dispositif de Gamification réussi présente 3 caractéristiques bien définies : « Motivation », « Momentum » et « Meaning », également connues comme le modèle des 3M. D’après lui, à l’heure actuelle, la plupart des plateformes gamifiées font l’impasse sur l’un de ces trois ingrédients clés, au moins.
La Motivation naît de la perspective de récompense, qu’elle soit intrinsèque (lorsqu’elle s’appuie sur les intérêts des individus) ou extrinsèque (lorsqu’elle s’appuie sur des mécanismes de récompense externe, tels que les badges ou les classements). Le choix du bon mix motivationnel, combiné au bon mix relationnel, entre compétition et collaboration, est ainsi un facteur clé de réussite.
Le Momentum, que l’on pourrait traduire par « l’élan », la « montée en puissance », dépend quant à lui du degré d’engagement des collaborateurs, qui dérive lui-même du niveau de difficulté du jeu. Des challenges trop complexes frustrent les individus et freinent les initiatives. Des challenges trop accessibles leur font perdre le sentiment de satisfaction. Challenger sans décourager, encourager sans sur-récompenser… À la recherche du parfait équilibre motivationnel.
Enfin, la Mission, ou le Sens (Meaning) prend source dans un but, qui dépasse généralement les aspirations individuelles. Comme le rappelle Damien Mermet, Directeur Associé chez Solucom, « les jeux professionnels diffèrent des jeux purement ludiques par leur finalité. Ils sont conçus pour répondre à un objectif précis : partager un message (communication), trouver des idées et des solutions (co-construction), analyser une situation (diagnostic partagé) ou encore former (appropriation / mémorisation) »1. Ainsi, afin de galvaniser les collaborateurs, une plateforme gamifiée doit s’appuyer sur une cause, telle que la performance collective, la satisfaction client ou l’innovation sociale.
Time to play
Gamifier, le jeu en vaut la chandelle, à condition d’en respecter les règles. C’est ce que feront 20% des entreprises du Global 2000 (2000 plus grandes entreprises mondiales) en 2012 d’après Gartner. Dans les années à venir, « le phénomène pourrait même devenir aussi important que Facebook, Ebay ou Amazon » conclut Brian Burke. Time to play, donc, sans modération.
1 Intelligence collective. Jouer pour mieux travailler : quelles méthodes concrètes pour un management mobilisant les équipes ?
Bonjour. J’aime bien le parallele avec formation. On retient 10a20% de ce que l’on nous dit, 40 a 60% de ce que l’on exprime soi meme et donc combien de ce que l’on a joué ? Et meme partagé dans un jeu ?
Bonjour Clément,
Le Focus Solucom évoqué ci-dessus (« Jouer pour mieux travailler ») apporte un premier élément de réponse.
Un individu retient :
– 10% de ce qu’il entend ;
– 30% de ce qu’il entend et voit ;
– 50% de ce qu’il entend, voit et fait ;
– 80% de ce qu’il entend, voit, fait et qui le motive.
Peut-être peut-on inclure le jeu dans cette dernière catégorie ?