Suite à l’annonce de résultats records au premier trimestre 2012, Apple va répondre favorablement à la revendication de longue date de ses investisseurs de partager les gains de l’entreprise. En effet, Tim Cook, le « nouveau » patron d’Apple, a annoncé le 19 mars passé que l’important « trésor de guerre » de l’entreprise serait divisé entre les actionnaires. D’un montant de 45 milliards de dollars, soit plus de 34 milliards d’euros, le trésor amassé sera reversé sous forme de dividendes trimestriels, mais aussi sous forme de rachat d’actions. C’est une première depuis 1995, date des derniers versements de dividendes.
Une abstention de verser remontant à 1995
Le dernier versement de dividendes d’Apple remonte à 1995, date de retour de l’emblématique Steve Jobs aux commandes de la marque à la pomme. À cette époque, le groupe a connu des pertes financières impressionnantes (perte nette s’élevant à 816 millions de dollars en 1996). L’action, qui valait 5,5 dollars en septembre 1996 a été multiplié par 100 et valait lundi dernier 598,65 dollars.
En réponse aux questions sur les raisons de non-versement de dividendes par le groupe malgré une dernière décennie glorieuse, et sur le choix de ne distribuer les profits qu’aujourd’hui, le groupe a répondu par la voix de son directeur : « Nous allons continuer à investir en recherche & développement, en force de vente, et tout cela demande des liquidités. Mais nous pensons que verser un dividende pourrait permettre d’élargir la base d’investisseurs d’Apple. »
L’abstention de verser des dividendes depuis 1995, avec la croissance phénoménale de la société, a permis à Apple d’accumuler un « trésor de guerre » estimé à 98 milliards de dollars, soit près de 74 milliards d’euros. Selon Anthony Perkins de la Société Générale, l’entreprise aurait succombé à la pression grandissante des investisseurs et des marchés souhaitant bénéficier de cette réussite impressionnante. Mais il ajoute « Quand on voit qu’en un an, ils ont su amasser 38 milliards de dollars de liquidités, on peut raisonnablement penser qu’à la fin des trois années prochaines, il leur en restera plus que suffisamment pour assurer leurs investissements et faire tourner la machine. [Cette annonce montre] la véritable manifestation du changement de management, la patte de Tim Cook qui marque ainsi sa différence à la tête de l’entreprise ».
Le versement de dividendes
La tradition des compagnies montantes de la Silicon Valley de ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires, arguant la forte croissance du cours, a été mise à mal ces dernières années. En 2004, Microsoft devient le premier « grand » à verser des dividendes, et est rapidement suivi par Intel, HP, Cisco Systems, IBM, Oracle et d’autres. Quelques-uns comme Amazon, eBay ou Google campent cependant sur leurs positions et refusent encore aujourd’hui le versement de dividendes.
Le versement se fera sous forme de dividendes trimestriels à 2,65 dollars par action à partir du 1er juillet 2012, date de début du dernier trimestre fiscal de l’année. Ce programme de versement, qui s’élèvera à une dizaine de milliards de dollars par an, soit plus de 7,5 milliards d’euros, fera d’Apple l’une des entreprises à verser l’un des plus gros dividendes annuels de l’histoire. Tim Cook a néanmoins tenu à préciser que ce dividende n’était pas fixe et serait réévalué au fur et à mesure des versements.
Si ce dividende parait important en valeur absolue, il l’est moins lorsqu’on le ramène au dernier dividende versé. Il n’affiche en effet que 2% de rendement, alors que des entreprises comme Intel affichent un rendement de 3%.
Le rachat d’actions
Le montant du programme de rachat d’actions que mènera Apple et qui démarrera au cours de l’exercice fiscal 2013 s’élèvera à 10 milliards de dollars et s’échelonnera sur trois ans.
Le but de ce rachat est, semble-t-il, d’éliminer le risque d’une chute du cours de l’action. Un observateur souligne qu’investir dans la compagnie reste très intéressant pour tout investisseur, y compris la compagnie elle-même. « Ils n’ont probablement pas trouvé mieux que de racheter leurs propres parts » explique-t-il.
Pas de changement de fond pour la société
Le directeur d’Apple a tenu à souligner que la priorité d’Apple, quant à elle, ne change pas par rapport à l’époque Steve Jobs. Elle demeure la fabrication de « produits géniaux » : « L’innovation est le premier objectif d’Apple et nous ne le perdrons pas de vue » a-t-il déclaré.
En effet, Tim Cook n’affiche pas la volonté de se démarquer de son illustre prédécesseur en matière d’innovation et pour cause : le modèle de revenus de la société ne lui permet pas de tabler sur ses revenus récurrents très minces. La grande majorité de son chiffre d’affaires est générée par les ventes de nouveaux produits, ce qui place l’innovation au premier plan et la rend primordiale pour le développement de la compagnie.
Malgré cette continuité, Tim Cook a su marquer un tournant pour la marque à la pomme, en affichant, par exemple, une préoccupation nouvelle pour les conditions de travail des sous-traitants du groupe. De même, il a brillamment assuré le lancement l’iPhone 4S et a atteint des records de ventes pour la dernière version de l’iPad. Voila de quoi rassurer les investisseurs dans l’attente d’une nouvelle révolution technologique. Pourquoi pas l’Apple TV ?