C’est officiel : après plus de 2 années d’attente, Free a enfin lancé son offre mobile. Suite à l’obtention de la quatrième licence le 18 décembre 2009 pour 240 millions d’euros, le futur opérateur mobile a développé son infrastructure réseau et mis en place ses antennes. Et le 10 janvier 2012, Free a finalement officialisé sa nouvelle offre mobile.
Une année 2011 en forme de teasing
Comme nous le détaillions dans la 1ère partie de l’analyse sur le redéfinition du marché du mobile, cette année a été très riche en annonces. Alors que le marché a été plutôt stable pendant de nombreuses années, les concurrents et les offres se sont multipliés au point d’inquiéter fortement les acteurs historiques.
C’est dans ce contexte que Free a tiré son épingle du jeu et a réussi, sans même exister officiellement sur le marché, à attirer tous les regards. Une visite sur le site mobile.free.fr fin décembre et vous seriez tombé sur cette image :
the Rocket is on the launch pad — Xavier Niel (@Xavier75) December 13, 2011
Elle illustre le teasing de Xavier Niel, patron emblématique de Free. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : cela fait maintenant plusieurs mois que Free occupe les médias sans que les autres opérateurs n’arrivent à l’éclipser. Ainsi, Sosh et B&YOU sont qualifiés de « défense naïve » et les grands opérateurs sont visés directement : « Là c’est une rigolade, vous n’avez pas baissé les prix, c’est pas sérieux. »
On peut résumer ces attaques par une phrase coup de poing : « Pourquoi les consommateurs accepteraient-ils de payer plus cher pour le même service ? » Et même la concurrence, paradoxalement, entretient ce buzz : des interviews des différents patrons des grands opérateurs tournent parfois intégralement autour de l’arrivée de Free, comme celle de Stéphane Richard au Figaro.
Tout ce tapage médiatique fait presque oublier que Free a raté les fêtes de Noël. Les offres sont pourtant dans le timing (avant le 12 janvier) et prouvent que Free est en route pour bouleverser le marché.
Des offres percutantes
Free a donc dépassé le seuil réglementaire de 27% de la population couverte début décembre et a reçu dans la foulée le feu vert de l’ARCEP. Ce taux de couverture permet également de valider l’accord d’itinérance conclu avec Orange : lorsque le réseau de Free n’est pas disponible, l’usager passera sur celui d’Orange de manière transparente. Le nouvel entrant a aussi la chance de profiter de terminaisons d’appel avantageuses. Pour faciliter la concurrence et l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, l’ARCEP a fixé un prix environ 1,5x supérieur pour les opérateurs historiques par rapport au prix demandé à Free. Par exemple et pour les 6 premiers mois, les opérateurs paieront 2,4cts la connexion vers Free alors que le sens inverse est fixé à 1,5cts. Enfin Free va pouvoir s’appuyer sur une base utilisateurs de 4,8 millions de freenautes, de quoi booster le lancement de son offre mobile.
Ce lancement devait se faire obligatoirement avant le 12 janvier, c’est chose faite avec une conférence de presse dès 8h30 ce matin. Après avoir encore étrillé la concurrence et la supposée paralysie du marché télécoms français, Free a enfin dévoilé ses offres mobiles.
Assez proche des rumeurs que les sites high tech ont fait circuler depuis plusieurs mois, l’offre de Free est conforme aux habitudes de la société : révolutionnaire et ultra simplifiée. Il se targue même de faire tenir ses CGU sur une page quand il en faut 60 chez SFR.
Voici donc ces offres dans le détail :
- Tout illimité : les appels en France, mais aussi en Europe, en Amérique du Nord, dans les DOM (40 destinations au total), les SMS / MMS, un Internet neutre (tous les usages sont autorisés, comme la VOIP ou le P2P) avec un fair use de 3Go (plus haut que la concurrence, mais bien présent).
- Le forfait coûte 19,99€, et pour les abonnées Free, le prix du forfait sera réduit de 4€ soit 15,99€ (un geste non négligeable sur une facture, mais qui n’est pas aussi important qu’attendu).
- Le mobile est lui bien séparé des offres en tant que telles, permettant au client de simplifier la lecture de sa facture et de bien savoir ce qu’il paie. Des facilités de paiement du terminal sont proposées sur 12, 24 ou 36 mois.
- Enfin un tarif inspiré des forfaits dits « sociaux » (à destination des bénéficiaires des minima sociaux) est proposé avec 1h de communication et 60 SMS pour seulement… 2€. Ce forfait est gratuit pour tous les abonnés Free ADSL : Free offre à ses Freenautes le quadruple play au prix du triple play. La société peaufine sa communication et son image d’activiste.
Enfin ces offres sont accessibles dès maintenant et pour tous sur le site mobile.free.fr. Comme l’a conclu Xavier Niel ce matin : « une page se tourne aujourd’hui ».
Une année 2012 difficile pour la concurrence ?
Comment la concurrence va-t-elle réagir ? Cela fait déjà plusieurs mois qu’elle s’organise. Les opérateurs historiques ont sorti de nouvelles offres pour fidéliser leurs clients ou leur proposer des offres « low cost », et il semble qu’ils aient dans les cartons des offres déjà prêtes pour répondre au lancement de Free mobile.
Les MVNO auront eux aussi fort à faire : avec des offres sans engagement, ils ne pourront lutter à court terme contre la fuite de leurs utilisateurs. Il va leur falloir être très innovants et encore plus agressifs au niveau marketing… ou revoir leurs objectifs de rentabilité.
Reste que le succès de Free n’est pas acquis et deux scénarios concernant l’évolution du marché restent envisageables :
- A minima, Free entre doucement sur le marché et s’installe comme un petit challenger. Au final, Free ne fait guère mieux que ses homologues européens : « Dans tous les pays d’Europe dans lesquels un quatrième opérateur s’est lancé des années après les autres, cet acteur n’a jamais pu dépasser les 10 % de parts de marché » (EuroTMT)
- Ou alors, Free emporte tout sur son passage en 6 mois, poussé par un fort taux de transformation de ses clients Box en clients mobiles. Xavier Niel atteint ainsi ses objectifs ambitieux avec 25% de part de marché d’ici 2015 (FT).
La réalité se situera probablement entre ces deux extrêmes, et plusieurs mois seront nécessaires avant de constater si l’effet Free sur le marché mobile sera le même que sur le marché ADSL il y a quelques années. Enfin la question des licences 4G qui pourrait changer la donne d’ici 2013 reste entière.
Bonjour Roman,
Un bon point pour Free c’est que sa base abonnés n’est pas constituée de clients uniques mais de foyers.
Aussi, avec je crois environ 2,2 personnes par foyer en France l’effet de levier sur la cible client potentielle est très important.
Loïc
Excellent article !
Et le plus fort dans tout ça, c’est que Free n’a pas dépensé un euro dans la publicité…
Je vous conseille cet article très intéressant du Monde, qui revient sur la médiatisation et le buzz entretenu par Free depuis de longs mois (et surtout pendant les semaines ayant précédé le lancement) :
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/10/un-an-de-buzz-pas-un-euro-de-pub-free-aurait-il-tout-compris_1627718_651865.html
Par ailleurs, la limite fixée aux 3 premiers millions de clients est un excellent coup marketing… de quoi encourager les gens à se précipiter sur les offres !
Julien