Notre réflexion sur le marché du mobile commencée en début de mois avait d’abord posé les bases concernant les évolutions des standards du marché et les réactions des différents acteurs. Avant de réfléchir aux différentes perspectives qui vont définir le marché pour les mois et années à venir, commençons cette deuxième partie en replaçant les acteurs actuels en fonction de leur(s) cible(s).
Marchés adressés par les opérateurs
Perspectives et trajectoires
Une des premières grosses tendances du marché est d’aller vers une simplification de la souscription des offres et de pousser le client à être le plus autonome possible. Les premières offres tout en ligne sont apparues avec les MVNO et sont en train de se démocratiser avec les opérateurs. Il est évident que c’est le modèle que va choisir Free : simple et économique, il fonctionne en répartissant les efforts sur la société autant que les consommateurs et tous les contacts clients se feront prioritairement sur internet, et si besoin par téléphone. Paradoxalement, Free est en train compléter ce modèle par une présence physique : limitée dans un premier temps, elle permettra tout de même de concurrencer les opérateurs sur la vente de terminaux, point faible du tout online, tout en travaillant leur relation client et en faisant un showroom de leurs produits, gammes et services.
Free store de Rouen
Ensuite vient une tendance lourde qui se définit dans tous les marchés matures : une transition de la voix vers la data. Le marche du mobile a fortement changé et va évoluer de manière encore plus radicale dans les années à venir. Comme nous le prédisions il y a plusieurs mois, les communications voix ne sont plus un facteur différenciant et nous nous approchons du tout illimité à bas coût. Les profits se déplacent donc vers d’autres produits.
De nouveaux modèles sont en train d’éclore progressivement : Sosh et autres B&You n’en sont que les prémices. La segmentation ne se fait plus au nombre d’heures mais à la quantité de données, le débit et l’offre de contenus associée. Le prix de base inclut de plus en plus de voix, l’illimité n’a jamais été aussi accessible. Sans même parler des sms, presque toujours en illimité. C’est donc bien sur la data et les services associés que les business models se construisent. On remarquera que Stéphane Richard, PDG d’Orange, prépare le terrain depuis plusieurs mois : en répétant à tout va que les investissements coutent cher, que la bande passante est rare, qu’il faut avoir peur de la saturation du réseau, il prépare les consommateurs à des forfaits des data dont le prix s’adaptera à la quantité, au débit, au type de contenu (la fin de la neutralité sur le mobile) voire même à l’heure (heures pleines / heures creuses).
Cette transition s’accompagne de nouveaux services répondant ou créant de nouveaux besoins. C’est le cas notamment de tout le streaming : secteur en pleine croissance, des acteurs comme Spotify (associé à SFR) ou Deezer (associé à Orange) démocratisent la location de musique moyennant un abonnement et rendent toujours plus facile la consommation de musique en mobilité. Les acteurs de la vidéo sont en embuscade, à la fois avec Youtube, mais aussi Netflix pour la location ou encore Facebook pour le partage.
Au delà des services, l’autre obstacle à surmonter pour les opérateurs est celui de la subvention des mobiles. Les MVNO ont gagné une grosse part de leur marché en proposant des forfaits à prix inférieur car ils n’ont pas eu à vendre un mobile. Les opérateurs ont en effet eu la lourde tâche de démocratiser le marché des smartphones, ce qui a mécaniquement alourdi le prix facial de leurs offres. L’avenir radieux des smartphones rend ce point crucial : comment rendre l’achat accessible pour le consommateur sans que les forfaits en pâtissent trop laissant le champ libre aux MVNO de proposer des offres sans terminaux ?
On peut enfin annoncer un certain brouillage des pistes et des offres lancées par les MVNO : les opérateurs, en multipliant les marques et les offres, se créent des opportunités de toucher de nouveaux clients tout en occupant l’espace médiatique et le bouche à oreille.
L’entrée de Free sur le marché du mobile
Reste maintenant à savoir comment Free, 4e opérateur français, va attaquer le marché. De nombreuses rumeurs ont enflammé les sites d’informations high-tech en prédisant les futurs forfaits proposés par Free. Sans rentrer dans le détail et dans l’attente d’une information plus officielle, il est très probable que le trublion attaque le marché avec une offre prix plancher autour de 6€ pour 2h de communication et qu’il chapeaute sa gamme par un tout illimité autour de 29,90€, prix emblématique pour la société. Avec un coût à la minute de 8ct en passant par le réseau d’Orange et en possédant ses propres infrastructures dans les zones les plus denses, ces offres semblent tout à fait viables. Sans oublier que Free est déjà bien installé sur le marché de l’ADSL : ils pourront capitaliser sur cette base client pour lancer leur offre mobile – une offre 4P alléchante est prévisible – et profiter de leur entrée sur un nouveau marché pour redynamiser leur croissance ADSL.
Le trublion Free, après avoir bouleversé durablement le marché de l’internet, risque de récidiver sur le mobile : en proposant du tout illimité à des prix ultra-complétifs certes, et c’est là que tout le monde l’attend, mais en proposant surtout des offres entrée de gamme à des tarifs encore jamais atteints, Free paraît bien armé pour couper l’herbe sous le pied des MVNO.
Les trois opérateurs, et les MVNO avec eux, s’en défendent : ils n’ont pas attendu Free pour innover. Pourtant le timing de leurs offres tombent au bon moment. Et ce n’est pas leur campagne ultra agressive pour fidéliser les clients 24 mois qui contredira ce qui est sur toutes les lèvres : Free fait peur et toutes les armes possibles sont sorties pour affronter son arrivée, prévue début 2012. Des mois mouvementés en perspectives !
One thought on “Redéfinition du marché du mobile : comment les opérateurs historiques s’adaptent-ils ? (Partie 2)”
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