Google n’a de cesse de promouvoir sa vision de l’informatique en mode « Cloud », vision dont Gmail, Docs, Picasa, Calendar ou Books sont les fers de lance. Mais au-delà des services de Google, une part croissante de nos usages informatiques est déportée vers le web : les photos sur FlickR, l’édition de documents sur Office Web Apps, les films sur Netflix, la musique sur Amazon Cloud Drive et demain sur Apple iCloud…
Puisque l’on accède à ces services presque exclusivement depuis un navigateur, la logique de Google fait sens. Pourquoi ne pas proposer un système d’exploitation qui reposerait entièrement sur un navigateur ? Cette solution existe depuis près de 2 ans avec Chrome OS (le code source a été rendu public en novembre 2009).
Une approche radicale du Cloud computing
La semaine dernière, Google a concrétisé cette démarche en annonçant la commercialisation des premiers ordinateurs « 100% Cloud » : les Chromebooks. Il s’agit en fait de simples terminaux d’accès aux services en ligne, dont l’OS se résume à un navigateur et à un rudimentaire système de gestion des fichiers.
Les premiers Chromebooks seront fabriqués par Acer et Samsung et disponibles dès la mi-juin 2011 dans plusieurs pays, dont la France.
Un navigateur comme seule et unique interface, espace de stockage local très limité… Le projet est ambitieux, mais il pourrait pourtant satisfaire un nombre significatif de nos usages actuels (surf, mail, bureautique..).
Une promesse de rapidité, simplicité et sécurité
Puisqu’ils sont conçus dès l’origine uniquement pour le Web, les Chromebooks éliminent bon nombre de désagréments auxquels nous sommes confrontés avec nos PC traditionnels.
Chrome OS est léger : il est donc très rapide (démarrage en moins de 10 secondes), il se met à jour automatiquement et de façon transparente (adieu Windows Update !), et comme tous les programmes et documents sont stockés « dans les nuages », l’utilisateur n’a rien perdu s’il perd ou casse son ordinateur.
Les entreprises auraient également à y gagner et sont même une cible privilégiée pour Google. À ces dernières, Google fait notamment miroiter son système de mises à jour transparentes qui soulagerait les DSI d’une gestion lourde et complexe et garantirait un niveau accru de sécurité. Plus innovant encore, la firme de Mountain View propose aux entreprises un modèle de location de Chromebooks pour $28 par mois, prix très raisonnable, qui comprend les mises à jour, le support des ordinateurs et même leur remplacement tous les 3 ans. Du software et du hardware « as-a-service » en quelque sorte.
Un concept brillant, mais pas encore mature
Des initiatives similaires à Chrome OS existent (Joli OS par exemple), mais avec l’étendue
de ses services et sa capacité à mobiliser des constructeurs, Google reste l’acteur le mieux positionné pour proposer un ordinateur « 100% Cloud ». De plus, les usages PC (bureautique, loisirs etc.) migrent progressivement vers Internet et la connectivité se fait de plus en plus permanente. Cette tendance de fond que l’on ne peut ignorer est brillamment incarnée par Chrome OS : rapidité, simplicité, sécurité et disponibilité. Cependant, l’approche de Chrome OS est peut-être trop radicale pour convaincre immédiatement le grand public.
- la connectivité : Bien que Google ait promis que certaines applications pourraient fonctionner hors connexion, les Chromebooks n’ont de sens que connectés, et de préférence à haut débit. Cet impératif de permanence et de qualité n’est aujourd’hui pas encore garanti par les réseaux cellulaires mobiles.
- le surcoût de la connexion : Puisque la connectivité est essentielle, l’usage d’un tel PC nécessite un abonnement data 3G. Si Google offrira à tous les acheteurs américains de Chromebook 3G un accès gratuit à 100Mo par mois pendant 2 ans (via l’opérateur Verizon), il est évident que cette offre ne suffira pas aux usages multimedia. Le magazine Wired a par exemple calculé que pour écouter 2 heures de musique en streaming par jour sur un Chromebook (hors wifi), il faudra débourser $35 par mois (pour 3Go).
- rapport prix-bénéfice dissuasif : En effet, avec un prix d’achat entre $350 et $500, les ordinateurs Chrome OS font moins qu’un netbook (capacité de stockage, variété des programmes compatibles), mais pour un prix sensiblement équivalent.
- la fin du stockage physique ? : le grand public est-il prêt à abandonner totalement le stockage physique au profit de services exclusivement en ligne? La transition se fera certainement, mais elle sera longue et progressive. On le voit avec les produits culturels vidéo : le streaming monte en puissance, mais il ne remplace pas tous les supports.
Les ordinateurs Chrome OS préfigurent donc assez bien ce que pourraient être les terminaux connectés de demain : légers, simples, rapides, et se limitant à l’accès à des services en ligne. Ils restent cependant bien seuls sur un marché naissant et sans concurrence directe. Comme Google TV, les Chromebooks sont une bonne idée, un concept prometteur, mais un produit qui reste inadapté au grand public et donc réservé à une niche.