Curation : buzzword ou véritable usage ?

Curation, social curation, content curation, curator, digital curator… Ces mots en vogue sont actuellement au centre de toutes les attentions au sein de la blogosphère. Pourtant, ce terme de curation n’a fait son apparition que récemment sur le web. Il est à l’origine du mot curateur et désigne, comme l’explique Brian Solis, spécialiste du marketing des nouveaux médias, dans son article « The State Of The Blogosphere 2010 », la personne conservant les œuvres dans un musée. La curation regroupe plusieurs notions : la sélection de l’information à conserver, la catégorisation et le classement de cette information au sein de l’outil et sa mise en scène à travers une démarche d’éditorialisation. L’internaute va de cette façon être impliqué dans le processus de gestion de l’information et sollicité à différents niveaux. Présentée comme un thème phare lors de l’événement LeWeb10, la curation est-elle alors un usage grand public, en voie de démocratisation ?

Un remède face à l’ « infobésité » ?

Avec la surabondance d’informations sur le web, il est aujourd’hui impossible d’obtenir toutes les informations disponibles sur un sujet donné et d’en suivre l’actualité de manière exhaustive. Pour nombre d’internautes, il devient alors nécessaire de conserver certaines informations déjà vues pour une exploitation ultérieure. Jusqu’à présent, les outils de sauvegarde et de partage de liens comme Del.icio.us (Yahoo !) ou Blinklist répondaient à cette question. Mais les usages ont évolué car l’internaute veut aller au-delà de la simple sauvegarde de liens et gérer efficacement l’information : retrouver l’information plus rapidement et faire en sorte que cet ensemble ait un sens et qu’il puisse être partagé. La curation serait, à ce titre, une des grandes réponses face à cette surabondance d’informations et de contenus.

Ainsi, l’intervention humaine prend tout son sens dans la logique d’organisation de l’information. A cela s’ajoute la dimension sociale, car l’internaute va pouvoir partager son « travail » de curateur. Pour ce faire, il dispose aujourd’hui d’outils en ligne dont voici quelques exemples :

  • Montage : Découper et partager son album visuel sur le web
  • Paper.li : Lire Twitter et Facebook comme un journal
  • Trunk.ly : Retrouver ses liens partagés sur les réseaux sociaux
  • Trailmeme : Raconter une histoire à partir de contenus web
  • Wozaik : Découper des parties de sites et les regrouper
  • Storify : Fabriquer des histoires en utilisant les médias sociaux
  • Curated : Créer, suivre et partager des sujets

L’exemple de Scoop.it, Pearltrees et Memolane

Scoop.it, ou la curation thématique

Parmi les plus connus, le site Scoop.it se veut une référence en matière de curation. Il permet à l’internaute de créer une page web sur la thématique de son choix et d’y associer des liens provenant d’autres pages ou à partir des réseaux sociaux tels que Twitter, Digg, YouTube…L’avantage : permettre à l’internaute de choisir la source des informations qui seront centralisées au sein d’un seul et même endroit. Scoop.it offre d’autre part à l’internaute la possibilité de conserver ce contenu et de le retrouver ultérieurement, grâce à une logique organisationnelle pensée par le curateur lui-même.

Exemple de page web Scoop.it sur le jeu vidéo Warcraft

www.scoop.it

Pearltrees, ou la curation multi-thématique

L’autre exemple est celui du site Pearltrees qui permet d’organiser et de partager des informations et des contenus grâce à un outil en ligne représenté sous forme de « collier de perles ». Au fil de sa navigation, on peut ainsi collecter des pages web à partir d’un plugin préalablement installé dans son navigateur, et les organiser dans ce collier de perles virtuel. Avec cet outil, l’internaute retrouvera n’importe quelle page et surtout depuis n’importe quel ordinateur connecté à l’Internet. Résultat : une cartographie de sa propre navigation, composée essentiellement de pages approuvées, qui peut facilement se partager.

Collier de perles sur Pearltrees

www.pearltrees.com

Memolane, ou la curation chronologique

Le service Memolane est particulièrement intéressant en matière de curation, car l’internaute peut créer sa « mémoire digitale » à partir de ses activités sur les réseaux sociaux. L’utilisateur retrouve ainsi les « tweets » qu’il a partagés sur le site de micro blogging Twitter, ses « check-in » du réseau social géolocalisé Foursquare, le flux RSS de son blog, ses albums photos du site Picasa, ses musiques de Last.fm, ses vidéos de YouTube

Mémoire digitale sur Memolane

www.memolane.com

Ces nouveaux outils de curation pullulent donc sur le web. Même si l’approche est différente selon les services, la tendance reste néanmoins résolument tournée vers l’implication de l’internaute et la conservation de données. La généralisation de ces usages et du partage des informations ainsi traitées se fera au détriment des moteurs de recherche classiques de type Google. En effet, la curation, intervention humaine, permet d’améliorer la pertinence des résultats et d’en réduire l’exhaustivité.

La curation au service de la vidéo

La vidéo n’est pas en reste et semble avoir trouvé chaussure à son pied. Le mariage de la vidéo et de la curation permet à l’internaute de conserver ses vidéos préférées et d’en récupérer à partir de n’importe quel autre site internet. Il peut alors retrouver ses vidéos, les revoir, les partager et, au fil du temps, construire sa propre bibliothèque de vidéos : Vodpod en est une parfaite illustration. Il permet en plus d’importer des vidéos à partir de flux RSS et d’accéder à celles des autres membres. L’avantage pour l’internaute : rassembler des vidéos de n’importe quelle plate-forme de partage de vidéo tel que Dailymotion, YouTube, Vimeo, Wat…

Fil d’actualités vidéo à partir de Vodpod

www.vodpod.com

D’un usage de niche à une curation pour et par tous ?

Bien que la curation crée le buzz sur le web, l’utilisation des outils de curation reste peu connue et peu développée. Ces outils sont surtout utilisés par une communauté restreinte de « early adopters » et de technophiles férus de services innovants.

Il est important de souligner que dans la pratique, la curation est avant tout un outil de veille pour les gros consommateurs d’informations. L’internaute lambda, quant à lui, se satisfait amplement des moteurs de recherches et des liens placés par ses “amis” sur les réseaux sociaux. Mais pour combien de temps encore…

Quoi qu’il en soit, la curation reste un formidable moteur de recommandation. Le curateur qui partage son « travail » partage en quelque sorte des informations et des contenus qu’il a validé. Il se fait le mediateur entre l’information et ses contacts, dans un rôle renouvelé de journaliste de liens. D’un point de vue marketing, la valeur de cette recommandation est un outil viral puissant et efficace qui ne manquera pas d’être exploité tôt ou tard.

Parallèlement, la curation devrait jouer sur la qualité de l’information collectée au sein des outils. Notamment parce que l’ensemble des internautes auront une propension à ne sélectionner que les meilleures informations, qui seront a fortiori appréciées des autres. L’exploitation de ce qui pourrait s’apparenter au crowd sourcing devrait déboucher sur des pistes intéressantes de websemantique, ce que certains experts appellent le web 3.0.

L’ «infobésité » n’étant pas prête de s’arrêter, on peut parier sur l’essor des outils de curation à moyen terme, si ceux-ci relèvent le défi de la protection des données personnelles et leur efficacité face à un web chaque jour plus complexe.

5 thoughts on “Curation : buzzword ou véritable usage ?

  1. Bonjour Sourisack,
    Je trouve votre article très juste notamment dans la question qu’il pose : « la curation est-elle alors un usage grand public, en voie de démocratisation ? »
    Je fais partie de Pearltrees qui a certainement la communauté la plus nombreuse parmi les services cités (près de 100.000 inscrits et près de 10 millions de pages vues par mois) et je crois que la composition de la communauté actuelle montre qu’un processus de démocratisation de la curation s’amorce.
    En effet, les processus de démocratisation suivent toujours le même processus. Au commencement sont les professionnels qui sont formés à une technique, puis une innovation abaisse la barrière à l’entrée de la technique, certains early adopter suffisamment avancée s’emparent du service, le popularise auprès d’une population de suiveurs qui ensuite l’explique au grand publique. Ce processus est long. La démocratisation de l’écriture par les plateformes de blog et de microblogging est toujours en cours et a commencé il y a plus de 8 ans!
    Donc aujourd’hui, effectivement nous voyons des profils d’utilisateurs intensifs de pearltrees très proche des professionnels des éditeurs professionnels. Ce sont de gros consommateurs d’informations en ligne, avec des niveau de formation élevée, sans détermination de genre. Cela tend à crédibiliser l’hypothèse selon laquelle l’apport d’un site comme pearltrees est d’abaisser la barrière technique qui empêchait jusqu’à lors les internautes d’organiser facilement leur contenu.
    C’est une petite indication pour la question que vous posez.

  2. Bonjour François,
    Merci de partager votre point de vue sur la question. La démocratisation de la curation est une tendance de fond indéniable qui, effectivement, repose sur la simplicité du service.
    J’ajouterais, pour ma part, que la curation a un potentiel de démocratisation plus important que le blog. Dans la pratique, la curation reste une activité peu chronophage ; Contrairement à la rédaction d’un billet qui l’est beaucoup plus…
    En vous souhaitant beaucoup de réussites dans cette belle aventure qu’est Pearltrees.

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